Comme il est plaisant de varier les portraits et découvrir les structures et populations avec lesquelles il est possible d’exercer comme psychomot. Manon partage avec nous son travail.
Parfois, certaines psychomotriciennes s’inquiètent et n’osent pas me contacter pour une interview, n’ayant pas de compte Instagram ou page Facebook dédié à leur métier ou ne se sentant pas légitimes. Souvent après quelques échanges sympathiques, le lien de confiance se crée et elles se lancent.
Manon m’a laissé un commentaire puis m’a fait remarqué qu’il manque de portrait de psychomot en … (attention à la fusion de mot) gériatrie-psychiatrie-oncologie … Rien que cela !
Non pas que je doute un instant de la place de la psychomotricité dans ce milieu mais je ne peux évidement pas aller à la pêche aux informations. Si on ne vient pas se présenter à moi, je ne peux pas deviner. Aussitôt dit, aussitôt le contact établi pour une interview.
La richesse du métier est visible grâce aux multiples rencontres et interviews sur le blog.
Alors si vous souhaitez partager votre expérience ou si vous connaissez un psychomot au parcours « atypique », n’hésitez pas à me contacter comme l’a fait Manon.
Je vous invite également à découvrir sa page Facebook : https://www.facebook.com/CorPsyMot/
Parles moi de toi, qui es tu ?
Hello ! Tout d’abord merci, pour le temps que tu m’accordes, et pour la mise en œuvre de ce concept de blog que je trouve génial.
Je suis Manon, psychomotricienne depuis juin 2018. Mon binôme avec qui j’ai passé deux ans de formation en apprentissage me nomme « la petite marseillaise ». J’ai réalisé un mémoire sur la polypathologie, et plus précisément sur le reflet d’une triple problématique : le handicap psychique, la vieillesse et le cancer. Effectivement, les personnes que j’accompagne au quotidien dans mon travail, sont atteint d’au moins deux des trois problématiques citées.
Quel est ton parcours?
A la suite d’un bac scientifique, je me lance dans une première année intense en médecine (la fameuse PACES). Une année riche, formatrice, qui m’apprend beaucoup sur moi-même.
Cependant, et malgré toute l’affection portée aux études médicales, il me manque quelque chose. J’entends parler des études en psychomotricité, à la suite d’un mail m’avertissant de ma place sur la liste d’attente pour l’entrée à l’école (ISRP Marseille). Je me renseigne et tout semble me plaire dans ce cursus (la relation au corps, la relation d’aide, le fait de m’occuper de patients, la liberté d’exercer, la créativité, etc).
Ravie, je suis ravie !
Ou et avec qui exerces tu actuellement ?
C’est ainsi que l’aventure commence, en septembre 2015, avec deux années d’apprentissage au sein d’une structure très particulière (j’y travaille actuellement). Durant ces deux années d’alternance, j’ai appris encore plus sur moi-même et je me suis formée professionnellement (formation internes, colloques, échanges pluridisciplinaires…).
Actuellement, je réfléchis à une VAE en psychomotricité, et à un DU autour des soins en oncologie/soins palliatifs/soins de support.
J’exerce actuellement au sein d’une structure privée, officiellement nommée « EHPAD ». En réalité, il s’agit d’une structure accueillant 170 personnes âgées qui, depuis de nombreuses années (voire depuis toujours), présentent un handicap psychique. Le handicap psychique le plus présent est la schizophrénie. Les autres problématiques psychiatriques sont diverses et variées : bipolarité, syndrome de Korsakoff, troubles du comportement, etc.
Dans quelle ville ? Si je dis pétanque, plage, soleil, pastis et bouillabaisse vous dites… Marseille !
Comment organises tu ta semaine de travail ?
Je travaille du lundi au vendredi, de 9h à 17h.
Tous les matins je propose des séances individuelles ou en groupe de deux patients ; selon les disponibilités de chacun, nous organisons les séances.
A partir de 11h, je participe au staff médical (j’en profite pour masser quelques soignants). Ensuite, l’heure du repas thérapeutique, accompagné de la psychologue et de l’animatrice ! Tous les jours, sauf le mardi (pour cause de réunion d’encadrement…).
L’après-midi, je privilégie les séances en groupe : groupe sur la gestion des émotions (lundi) ; groupe sur le corps, avec l’animatrice (mercredi) ; groupe sur le soutient identitaire, avec la psychologue (vendredi).
Le mardi après-midi se déroulent les projets de vie des résidents de l’EHPAD (4 ou 5/semaine) ; et le reste de l’après-midi je m’occupe de réaliser les comptes-rendus de mes bilans.
Enfin, le jeudi après-midi, je participe aux entretiens psychiatriques (psychiatre-psychologue-psychomotricienne).
Entre temps, je cale les passations de bilan psychomoteur, et les passations de bilan d’entrée, effectués avec la psychologue. Je propose également, pour les volontaires, des séances de micro-massage dédié au personnel (pendant les staff ou leur pause).
Ah, et les bilans alors, que puis-je en dire ? Bon, je ne passe pas le fameux EGP (Examen Géronto-Psychomoteur), dédié aux personnes âgées de 60 ans ou plus (d’ailleurs, vous trouvez ça âgé vous, 60 ans ? A Marseille c’est encore le pastis et la pétanque !) ; je ne fais passer aucun autre test coté. En ce moment, je suis en train de réaliser mon propre bilan, qui se base sur mes observations en psychiatrie et dont la cotation nous orienterait plus sur le degré d’aisance du patient, que sur ses capacités ou difficultés.
Sinon, beaucoup de projet commun autour du thème de l’identité : jardin thérapeutique, sortie cinéma, sortie café, projet photos…), c’est chouette.
Quelles sont tes loisirs ? T’en inspires tu durant les séances de psychomot ?
J’aime la musique, les voyages, la cuisine et le sport ; tous ont des effets bénéfiques sur les sphères psychomotrices. Je m’inspire de ces centres d’intérêt dans l’accompagnement de mes patients. La cuisine pour l’aspect sensoriel et manuel ; la boxe pour la gestion tonico-émotionnelle ; la musique pour l’expression corporelle et la détente ; les voyages pour les échanges et la sensorialité.
Que préfères tu dans ton travail ?
J’aime beaucoup le relationnel tant avec les résidents de l’EHPAD, qu’avec équipes et les familles (malheureusement il n’y en a pas beaucoup au boulot). J’apprécie le fait de pouvoir créer, inventer, innover, échanger. Nous avons un métier d’adaptation et je trouve cela génial !
Peux tu nous confier sur ce que tu aimes moins dans ton travail ?
Les difficultés institutionnelles…(structure peu adaptée, personnel non formé à la psychiatrie…). Cependant, je suis consciente que nous ne sommes pas des super héros. Heureusement que ces institutions existent comme lieu de vie pour les personnes qui y sont accueillies.
Quelles sont les difficultés que tu rencontres ?
Parfois, on arrive avec un super planning tout fait, tout frais… mais ce n’est que rarement que nous pouvons le mettre à l’œuvre. Il est difficile d’organiser le temps en institution : celui des soins médicaux, des soins d’hygiène, celui des repas, des traitements, celui des accompagnements psychologiques ou en animation, le temps accordé par l’institution, le temps que nous accordent les résidents…
Difficile de trouver le temps de prendre le temps.
Concernant les patients, les décompensations psychotiques et les fins de vie sont parfois trop brutales.
Comment y remédier si possible ?
J’y travaille, nous y travaillons ensemble !
Il me semble important d’évoquer en équipe cette notion de temporalité ; de favoriser le bien-être au travail ; de communiquer ; de se remettre en question continuellement.
Quelles sont les qualités que tu estimes nécessaires pour être un super psychomot ?
Je pense que l’approche globale de la psychomotricité nous demande de la bienveillance, de l’encadrement (notion de cadre thérapeutique), du relationnel (notion de dialogue tonique). Il me semble important de se remettre en question afin de (re)connaitre ses limites, à la fois psychique, corporelle et affective.
Comment envisages tu le métier d’ici quelques années ?
Le métier de psychomotricien tend à se développer de plus en plus. Je le vois comme un développement exponentiel dans les années à venir (l’exagération marseillaise) : plus de postes, plus de débouchés et de formations, et, surtout, dans beaucoup plus de domaines.
Quels sont les impacts de la psychomotricité sur ta vie ? Qu’est ce qui a changé en toi ?
Adopter l’approche psychomotrice par la théorie et la pratique au sein de l’école est vraiment riche et formateur au niveau personnel ; cependant, l’approche clinique directement sur le terrain est encore plus formatrice et porteuse de sens.
Confrontée à des situations jusqu’à lors inconnues, je m’adapte, me remet en question, apprend le travail d’équipe, pense et met en œuvre des projets…
Être psychomotricien, au-delà du fait d’aider les patients à s’approprier leur corps et se sentir mieux avec, c’est apprendre sur soi et s’épanouir dans la vie personnelle et familiale.
Raconte moi un de tes plus beaux moments comme psychomot ?
Il y en a tellement en si peu de temps…
Un me vient à l’esprit : entendre une de mes patientes, âgée de 73 ans – en institution psychiatrique depuis ses 16 ans – me remercier « pour tout », quelques heures avant qu’elle ne ferme les yeux pour toujours.
Des semaines de travail sur la relation thérapeutique, de recherche sur le cancer et la schizophrénie, et malgré ses délires paranoïaques incessants, cette dame marque ma vie.
Enfin, comment as tu découvert MissPsychomot ? Qu’est ce que tu apprécies le plus sur le blog ou sur Instagram ?
Je te découvre par hasard sur le réseau social Facebook, et, je like like et relike ta page.
Beaucoup d’informations, de partages, de valorisation de notre métier (et pas que le nôtre), j’apprécie énormément. Tu m’as donné des idées, et surtout donné envie de continuer à chercher, trouver, créer, penser et repenser, pour mes patients, pour mes collègues.
Merci pour cette belle opportunité, je pense que ce projet est un précieux recueil de communications (professionnels, patients, famille).
J’espère que ce nouvel interview vous a autant plu qu’à moi. Merci pour la confiance accordée ♥ Bientôt la fin de cette première saison d’interview, il y en aura tous les lundis jusqu’à fin juin !