Comme en témoignent les interviews, les études de psychomotricité changent une personne. Moi y compris.
Contrairement à la majorité des collègues, je n’ai pas fais mes études directement après le bac à 18 ans. Ni après mes études universitaires à 21 ans.
Des années se sont écoulées (pas trop non plus lol) avant que je découvre la psychomotricité et intègre L’ISRP (Institut Supérieur de Reeducation Psychomotrice).
La psychomotricité à été une révélation
J’ai tant appris niveau de la théorie, la pratique, et l’expérience psycho corporelle sur moi même et les autres, que bien sûr, la psychomotricité m’a changé, elle m’a révélée, elle m’a permis de voir le monde autrement.
Le monde invisible
Pendant une trentaine d’années, je n’ai jamais eu l’occasion d’être confrontée aux personnes en situation de handicap d’aussi près. D’avoir l’occasion d’être en interaction avec et ainsi communiquer avec mon corps. De vivre aussi près de leur quotidien et de voir l’environnement différemment.
Avec le début des stages, un nouveau monde s’est ouvert. Sincèrement.
Je me rappelle encore avoir demandé à ma maître de stage quand j’étais au CATTP (Centre d’accueil Thérapeutique à Temps Partiel qui est une structure rattachée à un hôpital) avec des jeunes enfants en âge scolaire atteint d’autisme, de manière vraiment naïve telle un enfant :
« mais pourquoi on ne les voit pas à l’extérieur ? »
C’est vrai quoi …
Peu importe les raisons, même si certaines semblent évidentes…
Ce que je retiens surtout c’est que depuis, mon regard s’est ouvert presque à la limite de les rechercher. Le monde leur appartient aussi. Ils ont le droit d’être au parc, de faire leur courses, d’aller à l’école etc !
Comment ça a changé ma vie de maman ?
Avec Junior
J’évoque de temps en temps des situations d’enfant en situation de handicap avec Junior afin de le sensibiliser. Je profite des journées « sensibilisation » pour en parler, montrer les affiches, parler des symptômes mais aussi des forces.
A ce titre, j’ai plusieurs anecdotes :
- A l’école, avec un enfant atteint d’autisme
Une fois, il était gêné de s’être pris un coup de pied par un enfant. Accident ou pas, Junior ne savait pas quoi faire car il avait connaissance que ce garçon était différent. Dans son comportement, sans avoir les mots du « jargon médical » pour l’exprimer, il le savait, le sentait. C’est tout. En prime, il avait une AVS.
Sa cousine lui a dit qu’il fallait riposter et pas se laisser faire. Mais Junior qui a un tempérament pacifiste, lui, défendait fermement sa position :
« Je te dis qu’il n’est pas comme les autres, il est autiste. » (ça se fait pas ! Il n’a peut être pas fait exprès, c’était peut être pas méchant etc)
Il se posait réellement la question sur l’intention du garçon. A t’il contrôlé son geste ? S’attendait il a ce que Junior riposterait ?
Bref, si vous connaissiez Junior, sachez qu’il réfléchi beaucoup et aujourd’hui il n’a pas encore résolu son questionnement Lol
Pour clôturer l’anecdote, il n’a pas eu le temps de réagir que des camarades sont intervenus et finalement ont chahuté entre eux. Voilà qui conclut son affaire.
- A la ludothèque avec un enfant sourd
Ce n’est qu’à ses 10 ans (j’ai envie de dire « seulement » .. et moi donc ?) qu’il a rencontré un groupe d’enfants de son âge, sourds, lors d’une matinée à la ludothèque. Il m’a demandé de signer avec eux comme si j’avais de grande notion en LSF. (Il a retenu que j’ai fais un stage avec des adultes déficient visuel et auditif, mais aussi parce que je signe avec BB)
Ils ont joué ensemble, mais je connais Junior. Il est intrigué car il se pose beaucoup de question. Il observe, cherche la bonne posture etc
C’est qu’à 10 ans, il a perdu une partie de son innocence et de sa naïveté, mais surtout de sa spontanéité. Néanmoins il est bien plus sensible aux difficultés et différences des autres que moi à son âge. Et ça, c’est déjà une grande victoire.
Avec BB
J’étais déjà psychomot quand j’étais enceinte donc le contexte n’est pas le même qu’avec Junior qui a vu sa maman changer.
En choisissant de l’initier à la langue des signes bébé tout en respectant la LSF, j’y tiens énormément, j’espère qu’il aura suffisamment de bonne base pour communiquer avec les personnes sourdes qu’il aura l’occasion de rencontrer, se sentant alors moins démunis que moi ou son grand frère.
J’insiste sur le respect de la LSF car si je me contente de signe « bébé » ou de nos propres signes, BB ne pourra pas interagir correctement avec la communauté sourde. C’est comme si je lui enseignais un dialecte limité à sa famille.
C’est ma petite contribution avec BB.
En tant que maman
Dans une époque où l’inclusion scolaire des enfants en situation de handicap, devrait être plus visible et normalisée, j’espère que Junior et BB adopteront le bon comportement et qu’ils auront le sentiment d’avoir toujours vécu à Narnia.
- Que lorsqu’ils voient une personne se tenir debout sortir d’une voiture, sur une place handicapée, qu’ils ne soient pas choqués car ils auront connaissance du handicap invisible.
- Que lorsqu’ils voient une mère et son enfant passer en caisse prioritaire alors qu’ils ont l’air de bien se porter, qu’ils ne jugent pas et se rappellent que le handicap ne se résume pas au fauteuil roulant.
- Que lorsqu’ils traverseront la route et remarquent que le feu réservé au piéton n’a pas de musique pour avertir les personnes souffrant de déficience visuel que le feu est vert, que ça les agacent.
- Que lorsqu’ils constatent que les trottoirs sont hauts et étroits, que les hall d’immeuble de médecin ont des tapis et pas d’ascenseur, que les appartements sont exigus, qu’ils pensent aux personnes en fauteuil roulant.
- Que lorsqu’ils rencontrent au parc des enfants au comportement atypique, qu’ils les accueillent et jouent avec comme n’importe quel autre enfant.
- Que lorsqu’ils constatent que leur camarade de classe a des difficulté de lecture, d’écriture, de compréhension, de calcul etc qu’ils s’adaptent à eux et ne pensent pas qu’ils sont moins intelligents. Il y a assez / trop d’adulte qui leur font comprendre cela.
Bref, vous avez compris.
Qu’ils vivent déjà à Narnia.
A titre personnel, je ne peux juger la méconnaissance car quand on n’est pas confronté à une situation, il y a peu de chance qu’on la voit et qu’on apprenne quelque chose.
Néanmoins je regrette que Narnia soit inaccessible, que les adultes n’en parlent pas assez aux enfants … de même que des personnes n’essaient pas d’être plus tolérant et curieux. Pas la « mauvaise curiosité » mais celle qui permet d’apprendre et d’avoir une ouverture d’esprit. Encore trop de gens critiquent et émettent des jugements.
Ils ne s’imaginent pas un seul instant ce qu’est de vivre dans un monde non adapté tout le temps.
C’est usant. Ils ne s’imaginent pas le sentiment d’isolement que peuvent ressentir d’autres humains !
Enfin … bref.
J’imagine que mes lecteurs sont déjà sensibilisés à minimum sur Narnia, ce monde peuplé de personnes extraordinaires qui devrait pas rester caché.
Merci d’avoir lu cet article entre révélation, partage de conviction parentale et léger tapage de poing à la fin.
L’objectif du blog est de partager et faire découvrir la psychomotricité, que c’est plus qu’un métier. Avoir des connaissances scientifiques et de l’expérience grâce à la psychomotricité pour les garder que pour soi, non merci. Je partage à mon niveau avec mes enfants et mes proches, et c’est un plaisir de partager davantage à mes lecteurs.
Si désormais à chaque fois, vous profitez des journées de sensibilisation pour communiquer sur telle ou telle maladie, ou bien que lorsque vous voyez une personne passer devant vous en caisse prioritaire sans être outré car elle n’a pas de canne, c’est déjà gagné ! Croyez moi.